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La grâce, un don à partager

Une théologienne articule la grâce par rapport au pardon, à la réciprocité et à la personne de Dieu.

Tous les sportifs connaissent ce sentiment: après un gros effort, lorsqu’on se redresse, qu’on ouvre les bras et qu’on inspire profondément, c’est comme si la vie entrait à nouveau en soi. Ou alors, plus généralement, lorsqu’aux premiers rayons du soleil printanier, on ouvre tout grand la fenêtre pour laisser entrer le soleil et la vie bourdonnante. Qu’est-ce qu’on se sent bien, dans ces moments-là!

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Pour moi, ces sensations me rappellent ce que j’éprouve lorsque je fais grâce à quelqu’un. Je ressens aussi ce mouvement d’ouverture, d’ouverture des bras pour accueillir et libérer mon cœur. Car ne pas faire grâce, c’est bien cela: fermer son cœur et ses bras. L’attitude corporelle est explicite: aux bras croisés sur la poitrine s’associent le visage sévère et la bouche pincée.

Le Dieu qui fait grâce
Que signifie faire grâce? Peu après le récit du Veau d’or (Exode ch. 33), Dieu répond à la requête de Moïse («Fais-moi voir ta gloire») et il lui dit: «Je ferai passer devant toi toute ma bonté et je proclamerai le nom de l’Eternel; je fais grâce à qui je fais grâce et j’ai compassion de qui j’ai compassion» (v.19). De même, quelques chapitres auparavant (22), alors que Dieu explique à Moïse le contenu de la Loi, il dit ces paroles étonnantes: «Si tu prends en gage un vêtement, tu le rendras à son propriétaire avant le coucher du soleil; car c’est sa seule couverture. Dans quoi coucherait-il? S’il crie à moi, je l’entendrai, car je fais grâce» (v. 25-26). Dans ces deux passages, Dieu se définit comme «celui qui fait grâce». Il fait grâce par bonté, par compassion. Ainsi pour Dieu, compassion et grâce vont de pair. Cela signifie que sans amour, il n’y a pas de grâce possible.

Plaisir à faire grâce
On pense souvent que faire grâce est synonyme de pardonner. Cela vient d’une des acceptions de ces mots: faire grâce, c’est gracier, c’est-à-dire remettre une peine à un condamné, par exemple. Etre gracié signifiait pour l’ex-condamné de pouvoir retrouver, outre sa liberté, sa dignité, son droit d’appartenir à la société.

Or, dans les deux passages cités, on constate qu’il ne s’agit pas de pardon, mais d’un geste qui relève plutôt du cadeau, offert par plaisir. Dieu prend plaisir à faire grâce! On sait bien, d’autre part qu’au quotidien, on est souvent appelé à faire grâce sans qu’il s’agisse de pardon.

La grâce sans offense
Dans une deuxième acception, faire grâce signifie épargner quelque chose à quelqu’un: «Je te fais grâce des détails». De ces deux acceptions, on peut comprendre que «faire grâce» signifie: libérer l’autre, c’est-à-dire lui ouvrir ses bras et son cœur et lui épargner sa colère ou ses reproches. Je le rends libre à mon égard et je me rends libre à son égard.

Ainsi, on peut faire grâce sans qu’il y ait eu au préalable offense, puis repentance ou contrition. On fait grâce par grâce, justement. Pour le plaisir de faire grâce. On ouvre son cœur et l’autre se sent bien, comme s’il était de retour à la maison après une longue absence.

L’esprit plus important que la lettre
Enfin, faire grâce, c’est être indulgent, c’est-à-dire regarder l’autre avec compréhension, patience, tolérance et bienveillance; cela signifie se souvenir que l’esprit de la loi est plus importante que la lettre de la Loi: on peut faire grâce quand on est capable de voir au-delà de ce qui déplaît chez l’autre ou de ce qu’il a pu faire et l’aimer quand même.

Alors, je me demande si finalement, faire grâce ne signifie pas tout simplement, regarder l’autre en souriant.

Véronique Rochat

SpirituElles

Article tiré du numéro SpirituElles 3-10 – Septembre-Novembre

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