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On ne voulait pas de moi

© DR
Abandonnée, moquée et rejetée, c’est à l’Eglise que Valentina trouve un foyer. Récit.
Sandrine Chansel

Valentina a vu le jour il y a 34 ans à Bell Ville, en Argentine. «J’ai été adoptée quand j’étais tout bébé par un couple d’une quarantaine d’années qui essayait d’avoir un enfant depuis plus de dix ans. Je n’ai aucun souvenir de mon adoption. J’ai aussi un frère, qui n’est pas mon frère biologique, qu’ils ont adopté après moi.» Sa mère avait été élevée dans la foi chrétienne mais s’en était éloignée. Son père était catholique de tradition. Tous deux souhaitaient qu’elle ait une éducation chrétienne. «Dès mes deux ans, ils ont commencé à m’emmener dans la seule Eglise proche de chez nous. Comme je souffrais d’angoisse de séparation, mon père restait tout le temps avec moi. Il s’est converti ainsi, à l’école du dimanche! Ma mère s’est aussi (re)convertie au même moment. Ils avaient commencé à fréquenter un groupe de maison pour nous accompagner, mon frère et moi, dans notre éducation chrétienne. Quand j’avais neuf ans, ils se sont fait baptiser.»

L’Eglise comme famille

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L’Eglise que sa famille fréquentait était une Eglise évangélique de Frères, très centrée sur la Parole. Le dimanche matin, «nous avions une “école dominicale” et l’après-midi c’était l’heure du culte. Il n’a pas fallu longtemps pour que je m’y sente comme un poisson dans l’eau: toute la semaine, il me tardait d’y être! Le dimanche, c’était la joie. Ça a toujours été ainsi.»

Valentina ne se rappelle pas avoir vécu de révélation massive, «j’accueillais la Parole et ce qu’on me disait de Dieu sans douter. Mais ce n’est qu’à neuf ans, alors que je priais tous les jours pour que Dieu vienne dans mon cœur, que j’ai vraiment compris qu’il y était déjà et qu’il ne m’abandonnerait pas». C’est à ce moment que Valentina s’est rendu compte que l’Eglise -les chrétiens du monde entier- était sa famille. «Y être me permettait aussi d’échapper à un foyer toxique, car mon père était dépressif depuis de longues années et ma mère avait beaucoup de problèmes émotionnels.»

A l’Eglise, je n’avais pas besoin de prouver que j’avais de la valeur, j’étais acceptée comme j’étais. 

Le sentiment de ne pas appartenir

Valentina raconte qu’elle avait l’impression d’être deux personnes. «J’étais très aimée, chouchoutée par mes parents adoptifs qui m’avaient attendue longtemps et m’avaient donné toutes les chances. Cependant, il n’y avait pas un seul jour où j’oubliais que je ne leur ressemblais pas physiquement, que je ne ressemblais à personne. J’imaginais croiser un jour quelqu’un dans la rue qui aurait mon visage, et je me demandais “pourquoi on m’a fait ça? Pourquoi on n’a pas voulu de moi?”» Ce manque de confiance ressortait dans ses relations à l’école. «Pendant des années, les filles de ma classe me harcelaient». Selon elle, c’est certainement pour cette raison qu’elle était excellente à l’école ; elle aurait voulu prouver qu’elle avait de la valeur. «Or à l’Eglise, je n’avais pas besoin de ça: j’étais accueillie comme j’étais. J’y allais aussi en semaine, parce qu’elle restait ouverte, juste pour y prier, parler à Dieu, me rappeler qu’Il était avec moi.»

Trouver sa place… puis tout quitter

«A quatorze ans, juste après mon baptême, j’ai voulu faire pour Dieu quelque chose de plus que mes nombreuses activités à l’Eglise». Trois ou quatre ans plus tard, lors d’un rassemblement chrétien, Valentina a senti un appel pour la mission. A dix-huit ans, «je suis partie six mois dans une école biblique en Allemagne. Là, j’ai vraiment reçu un fardeau pour l’Europe. Je voyais des Eglises riches matériellement mais vides humainement. Je voulais rester, mais mes parents m’ont obligée à rentrer pour finir mes études de commerce international. J’étais triste et déprimée.»

Valentina a commencé à fréquenter un groupe de chrétiens qui avaient la mission à cœur, et y a rencontré celui qui allait devenir son mari. «Il y a onze ans, on a tout quitté, notre pays, nos familles et mon Eglise, qui m’avait tant donné et tant aimée, pour venir nous installer en France en tant que missionnaires. Je n’imaginais pas que ce serait aussi difficile… mais si c’était à refaire, je le referai. Le plus important pour moi aujourd’hui, est ce que j’ai toujours voulu transmettre aux gens à l’Eglise: ce sentiment, cette plénitude de se savoir désirés, quelle que soit notre histoire.»

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