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Haïti, communauté frappée mais soudée

© Alliance Presse
Emma Le Beau est arrivée en Haïti au lendemain du séisme avec Medair, une ONG urgentiste spécialisée. Son équipe s’est concentrée sur la ville de Jacmel, où 80% des habitations sont détruites ou inutilisables. Le regard de la Britannique de trente ans sur la catastrophe, la solidarité des Haïtiens et son engagement personnel
Sandrine Roulet

Haïti, est-ce une crise hors norme?
J’ai été frappée par l’énormité de ce qui s’est passé et par la longueur et la complexité du chemin à parcourir pour tout remettre en état. En quelques minutes, les collectivités sont passées d’une vie «normale» à plus rien. Tellement de dégâts ont pu être causés en si peu de temps!
J’ai parlé à une famille dont le père était enseignant. Ils vivent maintenant sous une feuille de plastique dans un camp. Ils ont désespérément besoin de nourriture et d’eau. L’école où le mari enseignait s’est également effondrée, son directeur a été tué. Leur avenir est complètement incertain. Ils ne peuvent pas améliorer leurs conditions de vie par eux-mêmes, ils n’ont rien.

Comment les Haïtiens abordent-ils cette catastrophe? 

Il y a beaucoup d’opinions différentes au sein de la population. Un jeune m’a expliqué comment leur maison a commencé à se fissurer au milieu de la nuit. Ils sont sortis et dehors, c’était la panique et ils ne voyaient rien à cause de la poussière. Il m’a dit: «J’ai pensé que c’était une punition de Dieu pour toutes les mauvaises choses que nous avons faites dans le monde». Un autre homme a raconté à notre équipe que la première semaine après l’événement, les gens s’attendaient à ce que se soit la fin du monde. Le pasteur de l’Eglise locale nous a dit: «C’est le début d’un renouveau. Au-delà de la catastrophe, je vois beaucoup de bénédictions.»

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Y a-t-il une rencontre qui vous a marquée?
Oui, celle de Jean-Claude, le chef du quartier où nous travaillons. Il m’a fait faire le tour. Tandis que nous marchions dans les débris et près de personnes assises ou dormant dans la rue, il a ouvert son cœur: «Nous sommes blessés parce que nos propres autorités ne nous aident pas. Tout a été démoli. Cette situation est très, très, extraordinaire!»
Malgré tout, la collectivité locale s’est mobilisée et avec le soutien d’organisations comme la nôtre, les gens s’emploient à dégager les gravats et les pierres, une maison après l’autre. Le chemin paraît si long et pourtant les gens s’y mettent, tout simplement. Leur cœur m’a impressionnée. Le tremblement de terre a soudé cette collectivité.

Et sur place, quelle est votre priorité?
Fournir des abris sûrs. Nous avons commencé dans les zones les plus durement touchées de la ville. Le plus pressant est de sortir les familles des camps. Ils sont surpeuplés, insalubres et précaires.

Comme première étape, nous avons fourni des outils et des conseils à ceux qui veulent déblayer les décombres de leurs maisons. Lorsque l’endroit est dégagé, Medair fournit à la famille un abri temporaire. C’est un cadre métallique avec une toile de tente. Dans les prochaines semaines, la toile sera enlevée et le châssis métallique servira de base pour la structure de la nouvelle maison. Les murs de briques seront intégrés dans le châssis pour offrir une solution à long terme.

Comment gérez-vous la souffrance que vous voyez autour de vous?
Difficile d’être témoin de tout ça! Il ya tellement de gens qui ont besoin d’aide. On pourrait se sentir impuissants. D’un autre côté, je sais aussi que nous pouvons soulager cette souffrance et cela la rend plus facile à supporter.

Est-ce que cette catastrophe soulève en vous des questions sur Dieu?
Parfois je me demande pourquoi de telles catastrophes arrivent, mais en général, je ne cherche pas à résoudre ces grandes questions. Je me concentre sur des vérités telles que «lorsque vous aidez le plus petit de ceux-là, c’est à moi que vous le faites». Lors de mes différents déplacements, j’ai vu le mal commis par les hommes. Cela m’a fait prier davantage. Donc, j’essaie de prier sans cesse. Comprendre les mauvaises actions des hommes est autre chose que de comprendre les catastrophes naturelles comme les tremblements de terre. Cela affecte notre foi différemment. Mais dans la vie concrète, je sais que Dieu peut changer en bien les situations négatives et j’ai de l’espoir.
Claude, un jeune homme que nous aidons à dégager son ancienne demeure, m’a dit: «Parce que vous venez de l’étranger, nous savons que nous ne sommes pas oubliés!». Je crois que ces petits actes «d’aimer notre prochain comme nous-mêmes» sont très puissants. ❤

Sandrine Roulet

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