Du chaud dans le froid
J’ai croisé mon voisin retraité avec ses valises: il quitte la région parisienne pour passer l’hiver au soleil. Je l’envie. Moi aussi je rêve de fuir l’hiver. Aller sur une île ensoleillée, ou hiberner quatre mois et me réveiller au printemps.
Je n’aime pas avoir froid. Même au cœur de la sécheresse de l’été dernier, je ne sortais jamais le soir sans un pull, «au cas où», réflexe de frileuse. Plus nos températures s’enfoncent dans l’hiver, plus je me crispe dans mes pulls, en apnée.
Ce soir, ma fille a voulu que je lui chante «Une flamme en moi», un grand classique des colonies de vacances de ma génération, que vous connaissez peut-être. Les paroles me viennent tellement naturellement, depuis trente-cinq ans que je les connais, que je pourrai les chanter tout en faisant du calcul mental.
Mais ce soir, elles m’interpellent. Alors que je ne percevais que leur côté joyeux et sautillant, je réalise qu’elles parlent de solitude, de froid, de nuit opaque, de malheurs. Et c’est justement au cœur de cette obscurité-là que la flamme peut briller, éclairer, réchauffer.
Moi quand j’ai chaud, il m’est facile de marcher d’un pas léger, les épaules détendues, le regard alerte. Quand j’ai froid en revanche, je suis courbée, le cou enfoncé, le pas rapide, et je ne vois rien de ce qui m’entoure.
Ce chant m’invite à ne pas subir la météo. Ou, en d’autres termes, les circonstances. Quand tout me pousse à me crisper, tétanisée et sans visibilité, j’ai une alternative. Me rappeler qu’une lumière m’a fait la grâce d’habiter dans mon cœur et me promet de briller dans mes nuits les plus sombres. Pour peu que je focalise mon attention sur elle, alors elle me réchauffe et éclaire un chemin.
Pas comme un phare de voiture qui rend visible les cent prochains mètres, non, parce qu’une flamme va seulement éclairer le prochain pas. C’est suffisant pour relever la tête et avancer un pas après l’autre. Et laisser la chaleur et la joie irradier de l’intérieur vers l’extérieur, même en plein gel!
