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Noël sur le Pont

© Alliance Presse
Les fêtes de fin d'année constituent un moment pénible pour beaucoup de personnes seules ou fragilisées. Il y a presque trente ans, un homme, bouleversé de ne pas avoir pu empêcher l’un d’elles de se jeter en bas du Pont Bessières, à Lausanne, a décidé de réagir. Joël, c’était son nom, s'est installé sur le pont avec son sac de couchage pour tenter de prévenir des gestes désespérés. Une équipe s’est constituée autour de lui. Esther Späni lui a tenu compagnie et, lorsqu'il est décédé en 1992, c'est elle qui en a repris la responsabilité.
Geneviève Radloff

Parlez-nous de votre équipe.
Nous formons trois équipes de deux bénévoles chacune. Elles se répartissent des tranches horaires de huit heures. Nous ne sommes pas des professionnels de l’aide sociale, mais nous nous connaissons bien et nous nous serrons les coudes. Il faut être solide pour accueillir les gens.

Jésus est né dans dans une mangeoire. Votre installation n’est guère plus confortable.
Nous montons deux cabanes du 22 décembre au 3 janvier. Dans l’une, nous entreposons la nourriture et ce que les gens nous apportent. Dans l’autre, il y a un petit chauffage, un matelas et un sac de couchage. Entre les deux, un feu est alimenté en permanence.

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Est-ce que votre service est subventionné?
Du tout! Parfois, des passants nous font des dons. Mais nous sommes entièrement indépendants et c’est mieux comme ça.

La relation avec les autorités est-elle bonne?
Je fais la demande chaque année d’une autorisation que je reçois au mois de décembre. Nous jouissons d’excellents contacts avec la police et nous pouvons compter sur son soutien pour des cas difficiles.

Quelles sont ces personnes que vous rencontrez sur le pont?
Il y a ceux qui vont bien dans leur tête mais qui se font du souci pour les autres. Ils sont contents que quelque chose se mette en place pour aider les malheureux. Ils viennent nous soutenir, nous encourager. Parfois, ils nous amènent à manger et à boire. Et puis il y a les autres, ceux qui souffrent, qui ont peut-être eu des conflits en famille et se retrouvent seuls. Certains veulent simplement parler ou cherchent un peu de réconfort. D’autres sont toxicomanes, alcooliques ou complètement déboussolés.

Où est-ce que vous puisez votre force pour aider tous ces gens?
C’est vrai que cette période est intense et je rentre chez moi complètement épuisée. Mais je sais qu’il y a des gens qui me soutiennent dans la prière et qui, de cette manière, nous portent. Je ne pourrais pas le faire par mes propres forces.
D’un autre côté, j’aime énormément ce travail. Je connais ce milieu et j’ai mon rôle à y jouer. Je sais ce que c’est que d’être au plus bas et souhaiter que quelqu’un vienne m’aider.

Une anecdote, pour finir?
Un soir, j’ai reconnu une SDF qui promenait son chien ainsi qu’un deuxième qu’elle venait de trouver. Trois soirs plus tard, une autre jeune femme, que je connaissais de vue, passait et repassait devant nos cabanes en pleurant. Je l’ai invitée à se rapprocher du feu et lui ai demandé où était son chien, son fidèle compagnon. Nouvelle crise de larmes. «Justement! Je l’ai perdu. Je suis venue ici pour me jeter en bas du pont et toi tu m’empêches de le faire!». Je lui ai répondu que je croyais savoir où se trouvait son chien, qu’elle a pu récupérer le lendemain. Aujourd’hui, elle s’en sort. Elle a trouvé un domicile.

Propos recueillis par Geneviève Radloff

SpirituElles

Article tiré du numéro SpirituElles 4-09 – Décembre – Février

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