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Ma relation avec mon père influence encore ma vie de femme

© Alliance Presse
Prendre son indépendance ne rime pas forcément avec régler les histoires d’héritage familial. Trois femmes racontent leurs relations avec leur père, leurs luttes et leurs prises de conscience. Décodages avec la psychologue Geneviève Wirth

Apprendre à faire face à l’autorité
Mélanie, la trentaine, est croyante depuis une dizaine d’années. Ado, elle a multiplié les amourettes?: «C’était ma façon de susciter l’admiration des hommes, sentiment que j’avais de la peine à faire naître dans les yeux de mon père», explique la jeune femme. «D’un côté, mon père est relationnel, drôle et d’un abord facile, mais dans mon enfance, il était aussi très impulsif et pouvait se montrer colérique, lorsqu’une situation le dépassait», se souvient-elle. Si dans le domaine affectif, Mélanie a trouvé paix et stabilité, elle a dernièrement pris conscience de sa tendance à entrer dans un rôle de petite fille soumise face aux hommes qui l’impressionnent – patrons et pasteurs, typiquement. Dans son lieu de travail actuel, tous ces ingrédients déstabilisants sont réunis?: patron exigeant et impressionnant, rencontre de personnes en vue. «J’ai comme l’impression que le Seigneur m’y a emmenée en thérapie pour que je grandisse et que j’apprenne à faire face à l’autorité», confie-t-elle dans un sourire.

Geneviève Wirth?: Dans le cas de Mélanie, il pourrait être utile d’instaurer une forme de dialogue intérieur entre elle et la petite fille qu’elle était, afin que sa personne actuelle la rassure par rapport aux colères de son père qui n’ont pas forcément été comprises en tant qu’enfant, en lui disant par exemple?: «S’il s’est fâché, ce n’est pas à cause de toi». Cela permet souvent de dépasser les situations de blocage.

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–CREDIT–
Vers l’autonomie
Lisiane, soixante ans, est la fille d’un pasteur suisse réputé. De la figure paternelle, elle a été marquée à la fois par l’envie d’épouser à son tour un homme engagé et par la certitude qu’elle ne choisirait ni un pasteur ni un médecin, des personnalités trop facilement accaparées par leur travail. Son parcours est jalonné de tentatives d’établir des liens avec son père et de trouver sa place dans la famille?: «Tous mes frères et sœurs ont eu à un moment ou à un autre un rôle à jouer dans le ministère de mon père», se souvient-elle. «Pour ma part, c’était plus difficile?: ma profession d’infirmière ne m’y prédisposait pas. Je me sentais parmi ma fratrie comme un petit canard parmi les cygnes». C’est finalement sur le tard et par un biais inattendu (une passion commune pour le jardinage), que Lisiane a découvert un lieu de communion avec son père. Elle a eu le loisir de rattraper le temps perdu.
Il reste qu’en examinant son parcours, elle a conscience de la pression qu’a représenté le fait d’être «la fille de…» et des attentes élevées que les gens pouvaient avoir sur elle.

Geneviève Wirth?: Bravo à Lisiane d’avoir trouvé un terrain de communication avec son père?! Sinon, ce parcours met en évidence la démarche de tri de l’héritage familial que chaque femme doit entreprendre à l’adolescence?: en quoi est-ce que je veux ressembler à mon père et en quoi est-ce que je veux me démarquer?? Ici, le fait que le père soit une figure forte et que la fratrie soit homogène rend plus difficile encore le défi de se développer en «je» et de ressentir ses caractéristiques profondes comme une richesse et non un manque.

Construire une relation de couple d’égal à égal
Sylvie est une jeune maman de vingt-cinq ans. Des difficultés de couple lui ont permis de prendre conscience qu’elle avait mis son père sur un piédestal. «C’est un chrétien exemplaire qui prie beaucoup pour ses enfants. Il est serviable et il a une autorité douce très naturelle. Je me suis toujours sentie aimée, valorisée et en sécurité auprès de lui», explique-t-elle. Du coup, Sylvie s’est mariée avec des attentes élevées. Elle se sent aussi déstabilisée devant des choix importants ou des conflits, domaines dans lesquels elle s’est fait peu d’armes.
Aujourd’hui le couple, conscient de cet héritage, veille à éviter la comparaison et prend la situation avec plus de distance et d’humour. Sylvie est satisfaite de constater son évolution en six ans de mariage?: «J’arrive à mieux affronter les difficultés, seule déjà, ou en allant vers Dieu et non plus vers mon mari.»

Geneviève Wirth?: Pour être épanoui en tant qu’adulte, il est nécessaire de développer un sentiment de valeur de soi qui ne dépende pas du regard de l’autre. Travailler sur soi avant de rencontrer son conjoint aidera à développer une relation symétrique et non de type père-fille avec son mari. Des couples viennent consulter ensemble et l’épouse déballe ses griefs à l’encontre de son mari, alors que c’est elle qui doit progresser. De plus, c’est facile pour le papa d’être considéré comme un super-héros par sa petite fille. Le mari, lui, doit faire ses preuves face à une femme adulte et critique.

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