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«Guérir, ce n’est pas forcément retrouver la santé»

© Alliance Presse
Guérir, mais de quoi?, c’est le titre du dernier livre de Francine Carrillo, paru aux éditions Ouverture. La théologienne et ancienne pasteur de Genève y propose un itinéraire de réflexion sur le sens de la maladie, mais aussi sur celui de la guérison. Un chemin à faire que l’on soit en souffrance ou bien-portant...

Vous citez l’écrivain suisse Charles-Ferdinand Ramuz: « Il faudrait d’abord guérir de soi-même, je veux dire de ses imaginations ». Serions-nous des malades imaginaires?
Ce qui nous rend souvent la vie difficile, ce sont les pensées négatives qui nous traversent. Lorsqu’on est souffrant ou gravement malade, le plus dur est de se réconcilier avec ce que l’on est devenu. Cette réconciliation est une grande partie du processus de guérison.

Et de quelles imaginations faudrait-il guérir?
Avant tout de l’idée que nous sommes immortels. Aujourd’hui, alors que nous maîtrisons de plus en plus le début et la fin de la vie, la médecine pourrait nous conforter dans cette illusion.

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La médecine, précisément, donne de grands espoirs; cette course à la bonne santé nous empêche-t-elle de nous laisser interpeller par la maladie?
Il me semble que oui… Il faut dire qu’aujourd’hui, ce sont souvent les patients qui demandent l’impossible. Mais la médecine reconnaît désormais ses limites. Dans la formation actuelle des médecins, on aborde de plus en plus la question de la finitude humaine et du fantasme d’une médecine toute-puissante. Les médecins et les malade doivent faire un travail d’acceptation de la fragilité humaine et de la mort.

La spiritualité joue-t-elle un rôle dans ce travail?
Oui! Paradoxalement, plus on rêve d’immortalité, moins on veille sur ce qui en nous est de l’ordre de l’immortalité, cette petite lumière intérieure qui nous est donnée d’un Autre. Le travail de la vie spirituelle, c’est prendre conscience de notre fragilité, de ce que l’apôtre Paul appelle le « trésor dans des vases d’argile ». Mais il est plus facile d’avaler des médicaments ou de demander à d’autres de nous trouver une solution, plutôt que de se positionner dans sa propre vie et de se demander où on en est soi-même.

Mais se demander où on en est ne va pas nous guérir d’une maladie…
Non, mais il faut peut-être abandonner l’idée que l’on va guérir! La vraie guérison, ce n’est pas forcément recouvrer la santé, se retrouver tel qu’on était avant. Quand on traverse une grande épreuve, on n’en ressort pas indemne, et on n’en sort pas idem non plus! La guérison, c’est aussi se réconcilier avec ce que l’on est devenu au travers d’une maladie qui, suivant la réponse qu’on lui a donnée, nous a peut-être aussi transformés dans le bon sens du terme.

Quelle démarche proposez-vous pour traverser la maladie?
Je n’ai pas de recette! Chaque personne a un chemin qui lui est propre. Et surtout, la foi n’est pas un médicament magique! La maladie est un événement qui nous fait signe et pose la question: « Où en suis-je dans ma vie? ». C’est l’occasion de se demander où est l’essentiel de notre vie. Est-ce dans la surconsommation et le confort ou dans le fait d’accepter la fragilité de l’existence et de pouvoir compter sur des relations vraies, qu’elles soient spirituelles ou affectives?

Pour vous, la guérison est donc d’abord une remise en marche?
Tout à fait. D’ailleurs, en hébreu le terme « maladie » signifie « être enfermé ». Et dans les Evangiles, les verbes pour la guérison sont des verbes de remise en marche.

La maladie serait-elle une occasion de rencontrer Dieu?
Bien sûr! La maladie est le lieu de toutes sortes d’états d’âme: la révolte, le déni, la colère. Parfois, au travers du dénuement absolu, nous nous découvrons reconnus et aimés pour qui nous sommes; nous réalisons alors que Dieu est plus grand que notre cœur et que nous sommes appelés à être fidèles à l’appel de la Vie en nous. 

Ecoutez l’interview intégrale sur www.spirituelles.info

SpirituElles

Article tiré du numéro SpirituElles 3-11 Septembre – Novembre

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