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Elle se bat aux côtés des prostituées

© Alliance Presse
Ses yeux scintillent quand elle parle du travail parmi les prostituées en Afrique du Sud, de ses nombreux projets et de sa foi. Depuis toujours, la joie accompagne cette travailleuse sociale Plus bas: Amély-James Koh Béla est une auteur et spécialiste mondialement reconnue du processus de victimisation ethnique. Elle milite depuis quinze ans contre la prostitution africaine en Europe

Après une adolescence tumultueuse dans sa Suisse natale, où sa vie tournait autour de sa bande de copains, Myriam décide de consacrer sa vie à Dieu. De nature joyeuse, elle est accueillie partout et vient volontiers en aide aux autres. Elle s’oriente donc logiquement vers le social. Mais le travail d’aide familiale lui offre peu de contacts. Elle se lance alors dans une formation d’éducatrice de la petite enfance.

Nouveau pays
«Je voulais travailler depuis longtemps parmi les femmes victimes de violences sexuelles, mais en Suisse!», raconte Myriam. Or Dieu travaille son cœur. «Il m’a montré que, quand on quitte tout pour le servir, il pourvoit, bénit, nous donne une famille et un pays». Ce nouveau pays, c’est l’Afrique du Sud, ses pluies torrentielles, son froid pénétrant et son niveau de vie nettement inférieur à l’Europe. La criminalité, surtout liée à la drogue, y est endémique.
Sur place, Myriam intègre une équipe qui travaille parmi les prostituées. Leur arrivée dans les quartiers concernés provoque la fuite de certaines travailleuses du sexe alors que d’autres s’approchent pour demander une prière. L’équipe invite aussi ces femmes dans un centre où elles peuvent suivre un programme de réhabilitation. Mais la plupart du temps, ces dernières se contentent d’un entretien puis retournent à la rue.

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Construire les relations
C’est un travail de longue haleine, car le plus important, c’est de construire des relations. «On essaie d’offrir une petite attention qui montre à la jeune femme qu’elle est spéciale, aimée», explique la travailleuse sociale. «Pour la Fête des Mères, par exemple, on apporte un cadeau avec un mot d’espérance de la Bible. Elles accueillent bien ce geste qui montre qu’elles ont de la valeur. Mais souvent elles en restent là et ne cherchent pas à sortir de leur situation». Voilà pourquoi Myriam et ses collègues aimeraient agir en amont. Parmi leurs projets figure une campagne de prévention dans les écoles primaires. On y parlerait de pornographie, de prostitution et d’abus, en insistant sur le fait que chacun a une grande valeur devant Dieu.
«Il y a des histoires qui nous encouragent et nous rappellent que notre travail n’est pas vain», poursuit Myriam. «Je pense à Noleen. Elle avait toujours aimé la cuisine et des amis de notre œuvre lui ont payé des cours. Elle a terminé première de classe et elle est maintenant chef dans un restaurant». Au niveau de la foi, la repentie «tient bon». Elle a trouvé une communauté dynamique qui lui convient. Son témoignage de vie marque ceux qui l’entendent.
–CREDIT–
Objectif: la Coupe du Monde de foot
L’équipe souhaite mettre en place un programme de sensibilisation au grand public concernant la traite humaine, en vue de la Coupe du Monde de football 2010. Il est aussi important d’éduquer les populations à risque, les gens qui vivent dans une extrême pauvreté. Et à long terme ils espèrent ouvrir une maison pour les filles victimes de la prostitution, qui ont généralement entre 5 et 15 ans.
Geneviève Radloff

En finir avec l’Africaine prostituée

Amély, qu’est-ce qui anime votre combat?
Dieu, qui veille. Seule l’Eglise peut redonner la foi aux jeunes. Des menaces qui visent à laisser faire le trafic d’êtres humains pèsent sur moi. Pourtant, je suis toujours là. Faire comprendre aux jeunes que la vie ne se résume pas à un sac Chanel est ma priorité. En Afrique comme en Europe, on se prostitue pour le paraître. Je veux leur dire: «Tu as fait de ce corps que Dieu t’a donné un lieu sale! Tu répondras de tes actes!»

Qui est responsable de cette mentalité?
Le système et les mécanismes de victimisation. L’enfant est formaté. S’il ne sort pas se prostituer, il n’est rien. L’enfant se transforme en esclave. A l’adolescence, il se laisse aller dans ces schémas. Je m’oppose à cela. Je refuse d’écouter des gamins de banlieue se plaindre de l’homme blanc. Je suis Noire. J’ai fait des études à la sueur de mon front. Née de père inconnu, je suis pourtant devenue une experte mondiale. «Donnez-vous les moyens!», c’est ce que je dis à ces jeunes. Il suffit de prier et Dieu donnera les forces nécessaires.

Vous pointez du doigt certaines traditions africaines.
En Afrique, on fait de tout et de rien une victime. Nous sommes victimes de notre culture noire. Les mères livrent leurs enfants à des attouchements sexuels organisés pour quelques sous. C’est une préparation à la suite: la prostitution forcée et parfois la mort. La mère, elle-même abusée, se dit qu’il n’y a pas de mal à faire ça.
Ce système victimisant se transmet jusqu’en banlieue parisienne. Il faut les entendre dire: «C’est la faute à Sarko!». Même avec des bac+5, à l’état fœtal, ils ont attrapé le gène du «loser». Je ne supporte pas les Eglises africaines qui transmettent la notion que le malheur de l’Africain vient du Blanc.

Et vous avez fondé une équipe de spécialistes de la «dé-victimisation».
Oui. C’est une équipe constituée d’Africains, même si j’ai utilisé les ressources de l’homme européen pour comprendre le trafic. Cette équipe est sensibilisée aux processus de victimisation. Nous déculpabilisons les enfants en leur disant qu’il faut se sauver soi-même avant de vouloir sauver sa mère! «Achète-toi des chaussures avant de payer les siennes!». C’est comme cela que je leur fais comprendre qu’ils sont abusés.

Quelles alternatives offrez-vous aux jeunes Africains qui décident de renoncer à la prostitution en Europe ?
Je leur explique ce qui les attend en Europe: le viol, la prostitution, la maltraitance et la mort. J’élabore avec eux des projets locaux pour qu’ils deviennent acteurs économiques de leur propre village. Mayina [l’association qu’elle préside] signifie «Je veux que» en langue bantoue. Nous concoctons, avec les jeunes, des projets de trois ans, personnalisés, adaptés aux ressources de leur région. Nos domaines de prédilection sont l’internet, l’artisanat et les savoir-faire africains.

Vous êtes systématiquement entourée de gardes du corps. Pourquoi?
En Afrique, des hommes «bien» payent 3000 dollars la demi-heure pour violer des enfants de cinq ans. Qui a autant d’argent là-bas? Des notables, des ambassadeurs, etc. Ils sont nombreux à vouloir ma tête. J’ai été battue, humiliée, j’ai échappé à des tentatives d’assassinat. J’ai deux contrats de mort et un contrat de viol sur ma tête. Peu importe, mon meilleur garde du corps, c’est Dieu!

Interview Céline Schmink

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