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Peut-on guérir de son passé?

© Alliance Presse
Le Christ promet une nouvelle vie, libérée des entraves du passé. Comment se fait-il que, si souvent, celui-ci nous rattrape? Est-ce par faiblesse ou impatience de notre part? Entretien avec Bernard Bally, thérapeute au centre Horizon 9. Cet article fait partie de notre dossier, dont les autres articles sont également à consulter sur notre site.
Natacha Horton

Peut-on faire table rase de son passé, au nom de la foi, par exemple?
Notre passé est un fait que notre mémoire ne pourra jamais évacuer. Ce qui nous pose vraiment problème, c’est notre relation au fait, l’effet que nous lui permettons d’avoir sur nous. Et c’est là que Dieu peut intervenir pour nous libérer de notre passé. Nous découvrons, par la grâce qui nous est faite en Christ, que notre vie est cachée en Dieu et qu’il désire nous la révéler petit à petit. Notre passé nous a enfermés dans des mensonges. Nous pouvons reprendre possession de notre vie, telle que Dieu l’a créée et restaurée, spirituellement et psychologiquement.

Peut-on guérir de tout?
Il faut voir ce qu’on entend par guérison. Elle n’est pas un produit miracle qui effacerait tout mal, toute blessure, tout traumatisme du passé. C’est une tentation de notre génération qui veut éradiquer toute souffrance. Certains chrétiens eux-mêmes cèdent à la tentation de puissance. L’exemple de l’apôtre Paul est bien présent à notre mémoire, lui qui a prié Dieu de le guérir d’une «écharde dans la chair» et à qui Dieu a répondu: «Ma puissance s’accomplit dans ta faiblesse». Il est donc dangereux de prôner la guérison à tout prix.

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Je pense ici à une femme maniaco-dépressive depuis vingt ans. N’étant pas guérie malgré ses nombreuses prières, elle pensait que Dieu ne l’aimait pas et qu’il s’était détourné d’elle. Je lui ai fait remarquer que si Dieu voulait vraiment la guérir, il ne l’aurait pas fait attendre si longtemps. Dans son cas, «être guérie» était une manière déguisée de lutter contre sa maladie et de la nier comme si elle ne devait pas exister. Il fallait qu’elle l’accepte et la remette à Dieu. Manifestement, il ne l’a pas guérie, mais cette femme a retrouvé la paix et la joie dont elle avait été privée pendant si longtemps, cela a été comme une réconciliation avec elle-même et avec Dieu.

Y a-t-il des blessures, des maladies de l’âme ou des dépendances dont il soit vraiment difficile de guérir?
Les plus difficiles à guérir sont celles qui ont une origine dans la petite enfance, jusqu’à six ans environ. En effet, les connexions du cerveau sont alors en pleine construction et la structure de la personnalité n’est pas encore développée. Les circonstances pour lesquelles l’enfant n’est pas préparé auront un impact traumatique. Par exemple, un enfant abandonné ou rejeté risque de s’attendre à ce genre d’attitude de la part de son entourage, à l’anticiper. Cela va fausser ses relations quand il sera adulte.

A l’adolescence, les blessures seront encore sévères, mais moins. Dans le cas d’abus ou de viols, par exemple, les conséquences dépendent de la capacité de rebondir dans la vie. D’une manière générale, tout ce qui porte atteinte à l’intégrité, à la dignité, à la valeur et à l’identité personnelle ou sexuelle, a de lourdes conséquences. La sensibilité est un facteur inné qui accentue la vulnérabilité de l’enfant.

Avez-vous une explication à la difficulté de guérir? Cela dépend-t-il de la personne ou de facteurs extérieurs?
La principale difficulté vient du fait que la maladie est un symptôme. Il s’agit donc d’aller à la recherche du problème sous-jacent, d’aller plus en profondeur. Il y a aussi la question des schémas de comportement appris dans un jeune âge, qui ont valeur de certitudes sur la vie. Les personnes répètent inconsciemment les mêmes dysfonctionnements et une remise en question prend du temps. Les mécanismes de défense sont parfois bien ancrés: déni de réalité, fuite, passivité, etc. De même, la conviction que tout ce qui arrive est de la faute des autres ne permet pas d’avancer vers une guérison. Car celle-ci implique que nous reconnaissions que le problème est entré en nous, même si nous l’avons subi et que nous en sommes victimes.

Certains ne s’enferment-ils pas dans un statut de victime qui peut avoir son confort?
Les chrétiens, conseillers, pasteurs, n’aiment pas qu’une personne reste trop longtemps dans une position de victime. Mais attention! Toute victime doit être entendue avec beaucoup de patience et de respect avant qu’elle ne puisse passer à l’étape de la responsabilité de sa vie présente et future. La souffrance doit être accueillie, le besoin de justice validé. Sinon, la personne reste bloquée dans son passé traumatique. Cette démarche sera d’autant plus longue que la personne n’a pas été construite dans son identité. L’impatience des accompagnants n’aide pas.

L’existence de malédictions qui se reportent des parents sur les enfants fait débat. Votre avis de thérapeute?
Cela existe, bien entendu. Tout thérapeute est confronté à des situations où l’examen du problème ne peut pas être limité à l’histoire de la personne. Une jeune femme me disait qu’elle n’avait pas le droit au bonheur, que sa vie, c’était «pas-de-chance». Or, après réflexion, on a compris qu’il existait un lien entre son ressenti et un traumatisme que son père avait vécu: quand elle a pris conscience de cela, elle a été libérée d’un passé qui ne lui appartenait pas. C’est le cas des secrets de famille. La vérité ne peut pas être enterrée et, lorsqu’elle est révélée dans de bonnes conditions, elle est libératrice de lourds fardeaux.

Propos recueillis par Natacha Horton

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