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Le microcrédit au secours des Congolaises

© Alliance Presse
Touchée par les conditions de vie difficiles de ses compatriotes, la Congolaise Fanny Ukety a mis sur pied en 2006 un organisme de microcrédit et de formation, le CEMADEF. Ce système permet aux femmes de devenir autonomes, et les fruits sont visibles à plus large échelle. Suissesse d’adoption depuis 2003, formée en gestion et en théologie, cette femme de médecin raconte.
Sandrine Roulet

Comment est née l’idée d’aider les femmes de votre pays par le microcrédit ?
En 2004, j’ai eu l’occasion de visiter plusieurs camps de déplacés à l’Est de la République démocratique du Congo et j’ai été bouleversée par la misère. L’année suivante, j’ai été invitée à prêcher devant 250 femmes de ma ville natale. Beaucoup d’entre elles étaient traumatisées par la guerre et découragées par l’état de leurs maisons. Je leur ai parlé de Néhémie, qui a reconstruit les murailles de Jérusalem. Mais concrètement, elles avaient surtout besoin de relancer leurs activités pour faire vivre leurs familles, car le salaire de l’homme ne suffisait pas. Je suis rentrée à Genève avec la conviction très forte que Dieu voulait que je fasse quelque chose.

Et alors, qu’avez-vous fait ?
Nous avons d’abord commencé par prier. Puis je suis retournée au Congo avec 1500 euros (2200 CHF), que j’ai partagés entre une quarantaine de femmes, à raison de 17 à 43 euros (25 à 65 CHF) pour chacune. Six mois plus tard, c’étaient 300 femmes qui m’attendaient! Elles avaient vu les petits changements dans la vie des quarante premières, qui avaient fait fructifier ce qu’elles avaient reçu. En Suisse, mes amis se sont mobilisés, et nous avons collecté 4000 euros (6000 CHF). En parallèle, j’ai lu un livre de Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix et concepteur du microcrédit. Il a fallu adapter sa méthode au contexte et aux besoins du Congo. J’ai aussi structuré l’organisation avec des spécialistes. Les femmes devaient rembourser le prêt avec un intérêt de 10% pour les frais de fonctionnement du bureau.

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Quels critères ces femmes doivent-elles remplir pour avoir accès au microcrédit ?
Nous prêtons aux femmes vraiment pauvres. Nous leur demandons de former des groupes de cinq: à plusieurs, on a plus de courage et on peut s’entraider. Si une est malade, les autres peuvent vendre ses produits au marché ou l’aider à rembourser son crédit. Nous n’exigeons aucune garantie avant le prêt, mais nous vérifions simplement qu’elles aient dit la vérité sur leur vie et leur activité. Elles doivent aussi participer à une formation sur la gestion. Ces femmes ont six mois pour rembourser la somme totale, à raison d’un petit quelque chose par mois. Si elles remboursent bien, le crédit est renouvelable plusieurs fois, voire même augmenté.

Mais votre service comporte un aspect supplémentaire, n’est-ce-pas ?
En effet, nous avons mis en place tout un système d’éducation. La pauvreté n’étant pas seulement liée à l’argent, nous apportons aux femmes des notions d’hygiène, de prévention des maladies, de résolution des conflits et de droit. Lorsqu’un mari décède, par exemple, la belle-famille exige souvent de récupérer la maison, et les femmes ne savent pas que les lois les protègent. Nous avons donc décidé que suivre ces cours une fois par mois était une condition pour obtenir un microcrédit. Les jours de formation, nous commençons par une étude biblique, car nous voulons leur transmettre les valeurs chrétiennes, essentielles à la réussite de leur travail. Beaucoup de femmes sont revenues à Dieu grâce à ces enseignements. Et vous savez, des hommes viennent nous remercier après avoir observé des changements chez leur femme.

Combien de personnes bénéficient du microcrédit?
1350 profitent du projet aujourd’hui: 2100 femmes en ont bénéficié dès le début, mais 680 sont devenues indépendantes depuis lors. Il faut ajouter que les bienfaits d’un microcrédit se font ressentir plus loin. Pour chaque prêt, on compte en moyenne huit bénéficiaires, puisque la femme profitant du microcrédit en fait indirectement jouir sa famille, ceux qui logent avec elle et ceux à qui elle donnera un nouvel emploi. D’après un rapide calcul, cela représente plus de 16 800 personnes dans la région de Dounia!

Quels sont les autres fruits ?
Dans les familles bénéficiant du microcrédit, on constate que les cas de malnutrition sont inexistants, que tous les enfants sont scolarisés et que les frais médicaux sont couverts au bout d’une année. De plus, cet outil permet aux femmes de devenir autonomes et il contribue à leur épanouissement, aspect négligé dans la société africaine. Enfin, comme ces femmes ont moins besoin de demander de l’argent à leur mari, les violences conjugales diminuent!

Comment voyez-vous Dieu agir?
Dès le début, j’ai reçu une force qui ne venait pas de moi, mais de Dieu. Non seulement il a ouvert les portes, mais en plus, au niveau financier, notre capital a doublé chaque année. Nous recevons des dons, réguliers ou exceptionnels, de la part de particuliers. Mais j’essaie aussi de contacter des fondations ou organisations pour nous soutenir. Notre projet est de rendre le CEMADEF autonome et d’élargir le microcrédit aux milieux ruraux.

Propos recueillis par Sandrine Roulet

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