Amora: «Soutenir des chrétiens persécutés, c’est ma part de mission»
Dans quelles circonstances avez-vous commencer à travailler au service des chrétiens persécutés?
Journaliste fraîchement diplômée travaillant pour un média camerounais, j’ai été attirée par l’offre d’emploi d’une ONG chrétienne qui recherchait une personne pour son secteur «Recherches et Communication». Je souhaitais vraiment travailler pour une mission chrétienne: j’ai postulé et j’ai eu le job!
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Que faites-vous au quotidien?
Actuellement, mon rôle est de rencontrer des chrétiens qui ont subi des persécutions en raison de leur foi, de parler et de prier avec eux pour les encourager. Lorsque je les visite, je récolte leur témoignage, ainsi que les vidéos des attaques et violences qui ont eu lieu, si elles existent. Enfin, je mets en forme et édite toutes les histoires et contenus récoltés par mes collègues et par moi, pour qu’elles puissent être diffusées à plus large échelle.
Aller à la rencontre de mes frères et sœurs persécutés, c’est la part de mon travail que je préfère, bien qu’elle soit également celle qui me défie le plus. C’est important pour moi de rencontrer les personnes, de prier pour eux et d’écrire leur histoire. Mais il y a parfois de grandes distances à parcourir, des questions de sécurité se posent fréquemment et le poids de tout ce qu’on entend et voit sont des défis à relever chaque jour.
Lesquelles de vos qualités personnelles sont des atouts dans votre travail?
Je suis quelqu’un qui n’abandonne pas facilement et cela m’aide beaucoup, car notre travail porte ses fruits souvent sur le moyen terme. Lorsque je voyage, ma capacité à rester simple et flexible me permet de m’adapter à ce que je découvre. Je sais être extravertie lorsqu’il le faut, cela facilite les prises de contact, par exemple; mais je sais aussi faire preuve de sensibilité, écouter et me mettre «dans les chaussures» de l’autre, ressentir ce qu’il traverse.
Est-ce qu’un verset de la Bible vous porte, en particulier?
Ma prière est que je puisse «servir [ma] génération dans la volonté de Dieu», comme David l’a fait selon Actes 13, 36. Dans la difficulté, ou lorsqu’il m’arrive de dire à Dieu «jusqu’à quand permettras-tu que ton Eglise soit persécutée?», je me souviens du verset en 1 Samuel 30,6, qui encourage à se tourner vers Dieu quand ça va mal, comme David l’a fait. Et d’être encouragé dans le Seigneur.
Vous prodiguez des soins post-traumatiques, en particulier à des femmes qui ont survécu à des attaques très violentes de militants islamistes. Est-ce que ces soins permettent la guérison ?
Oui, ces soins ont des effets. Ils ne fonctionnent pas toujours à 100% et pas pour tout le monde: certaines personnes qui suivent un simple debriefing avec nous ne sont plus les mêmes après, alors que pour d’autres, la guérison prend plus de temps. Par contre, chaque personne peut comprendre et évacuer ce qui a été vécu. Car c’est souvent cela qui pose problème: «Qu’est-ce que je fais avec ce qui m’est arrivé?». Le processus de guérison débute après cette étape cruciale.
Avez-vous dû faire face à ce que l’on appelle le «traumatisme secondaire», qui affecte parfois les humanitaires mis au contact de trop de souffrances?
Souvent. A différents degrés. Il m’arrive de pleurer en rédigeant certaines histoires. Lorsque cela m’arrive, je fais baisser la pression en discutant avec une collègue proche, qui est aussi une amie. Quand je rends visite à des chrétiens persécutés, j’essaie d’être là pour les encourager et de «prendre sur moi». Mais je me souviens d’une rencontre avec un jeune garçon qui avait été gravement brûlé lorsque Boko Haram (un groupe djihadiste) avait attaqué son village et mis le feu à sa maison. Pour étouffer mes sanglots à sa simple vue, j’ai vite baissé la tête et essuyé mes yeux. Avec les années, je parviens à mieux identifier ce qui m’affecte trop et à demander de l’aide.
Qu’est-ce qui vous porte et vous encourage dans votre travail?
Je me dis que je continue car c’est ma part de mission. Certains sont pasteurs, moi non. Ma part de brique et de ciment, à la construction du Royaume de Dieu, c’est de prendre soin des chrétiens persécutés.
J’ai aussi appris que dans la vigne de Dieu, certains plantent, d’autres arrosent – moi, j’ai le sentiment que c’est un peu mon rôle, arroser – mais que c’est Dieu qui fait croître. Ce n’est pas à nous de tout porter. Si grâce à ce que je fais, une personne peut rester en relation avec Dieu, malgré ce qu’elle a dû traverser, cela en vaut la peine et m’encourage beaucoup!
*Nom d’emprunt
Propos recueillis par Rébecca Reymond