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La petite fille au napalm

© © The Kim Foundation International
Prise en 1972, la photo de la Vietnamienne Kim Phuc Phan Thi a fait le tour du monde. Depuis 1997, cette fillette devenue chrétienne s’engage comme ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO. Sa fondation a créé plusieurs écoles, orphelinats et établissements médicaux. Son action lui a valu le Prix de la Paix de Dresde en février dernier. Entretien exclusif avant sa visite européenne du 1er au 4 octobre 2019.
Rachel Gamper

Quelle a été votre réaction lorsque vous avez découvert que votre corps nu était révélé au grand jour?
J’ai découvert la photo pour la première fois lorsque je suis rentrée chez moi après quatorze mois d’hospitalisation. Quelle honte! Je souffrais terriblement des brûlures, je détestais l’allure de mon corps, et voilà qu’en plus tout le monde me voyait nue!
Mais à la suite de la naissance de mon premier enfant en 1994, je regardais sans cesse ce cliché et je me suis dit: il me faut absolument faire quelque chose pour protéger mon bébé ainsi que tous les enfants du monde. Du coup, cette photo est devenue une force puissante pour la paix. Mais j’ai encore la larme à l’œil chaque fois que je la regarde…

Votre souffrance ne vous a-t-elle pas révoltée contre Dieu?
Lorsque le régime m’a empêchée de poursuivre mes études (cf. encadré), je me suis réfugiée dans la bibliothèque à Saigon. J’y ai découvert un Nouveau Testament, que j’ai dévoré. Elevée dans la foi Cao Dai (ndlr. une secte vietnamienne constituée de plusieurs divinités), j’ai été interloquée en lisant cette parole de Jésus: «Je suis le chemin, la vérité, et la vie» (Jn. 14, 6). Etait-il possible qu’il n’y ait qu’une vérité unique?
J’ai finalement compris que Jésus était mort sur la croix pour mes péchés, tout simplement parce qu’il m’aimait. Aucun autre dieu n’était mort pour moi! J’ai commencé à prier Dieu seul, au nom de Jésus. Ma famille n’a pas du tout apprécié et j’ai subi pas mal de pressions. Mais vingt-deux ans plus tard, mes parents ainsi que tous mes frères et sœurs avaient eux aussi accepté le salut en Jésus-Christ seul.

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Comment un Dieu d’amour permet-il tant de barbarie dans le monde?
Je me suis longtemps posé moi-même cette question. Mais aujourd’hui, j’estime qu’accuser Dieu, c’est comme se faire frapper par son voisin et s’emporter contre Dieu. Pour moi, lorsque Dieu a créé Adam et Eve, il ne les a pas préprogrammés au bien. Au contraire, il les a laissés libres de leurs choix. Ainsi, dans mon cas, ce sont des humains malveillants qui ont choisi d’inventer et de larguer du napalm, ce n’est pas Dieu.
Mais de même que certains choisissent de faire du tort, ceux qui souffrent ont aussi un choix: se laisser devenir des victimes remplies de haine et d’amertume, ou bien devenir des survivants qui se laissent guérir intérieurement par un Dieu d’amour.

Souffrez-vous toujours de vos brûlures?
Sans ma foi, je ne sais pas où j’en serais. Cela fait plus de quarante ans que je souffre terriblement. Durant mon adolescence, j’avais toujours l’impression que les gens n’avaient d’yeux que pour mes cicatrices et j’avais de terribles cauchemars, avec le sentiment que je ne pourrais jamais être aimée d’un homme. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, mais la douleur est atroce et par exemple, je ne peux toujours pas me gratter…
Pourtant, je choisis de voir mes cicatrices et ma douleur comme une sorte de protection. Je m’explique: en tant qu’ambassadrice de l’UNESCO, j’ai souvent droit aux applaudissements, aux félicitations, mais ma douleur et mes cicatrices m’empêchent de m’enorgueillir. Par ailleurs, avec toutes mes activités, si je n’avais pas de douleur, je ne prendrais jamais le temps de prier et de puiser des forces auprès de Dieu pour «aujourd’hui».

Avez-vous songé à prier que Dieu guérisse votre corps?
Oui, bien sûr. Et lorsqu’il ne m’a pas guérie, je l’ai aussi supplié de me laisser mourir pour que je me retrouve auprès de lui, sans souffrance. Mais mon attitude a changé. Maintenant, lorsque je regarde mon corps cicatrisé, c’est comme si j’y lisais un rappel de Dieu: «Je suis avec toi.» Et quand la douleur devient insupportable, je prie. Et plus je prie, plus j’ai la foi. Et plus j’ai la foi, plus j’ai la paix dans le cœur, ce qui est encore mieux que la guérison du corps!
Sinon, il y a trois ans, Dieu a permis que je rencontre un médecin qui a réussi à un peu atténuer mes douleurs grâce à onze interventions au laser. J’en suis tellement reconnaissante, d’autant plus que je n’attendais plus d’amélioration!

Quels sont vos futurs projets?
Mon rêve, c’est d’encourager les enfants à ne jamais abandonner leurs rêves. Et maintenant que mon livre a été publié (Sauvée de l’enfer, éd. Ourania), mon prochain projet consiste à construire une bibliothèque pour les enfants sur les lieux de l’attaque au napalm qui a bouleversé ma vie. Et puis, j’espère que mon histoire sera un jour adaptée à l’écran…

Trois questions

A quelle scène biblique auriez-vous voulu assister?
Sur la montagne de la transfiguration, lorsque Pierre, Jacques et Jean ont vu Jésus dans sa gloire discuter avec Moïse et Elie. Je me réjouis tant de me retrouver au Ciel et de voir enfin Jésus face à face!

Quel est votre verset biblique préféré?
«Je ne mourrai pas, je vivrai, et je raconterai ce que l’Eternel a fait» (Ps. 118, 17). J’aurais dû mourir ce fameux jour en 1972, mais je suis encore en vie et je raconte ce que Dieu a fait pour moi.

Quelle est votre plus grande tentation?
J’ai tant d’idées dans la tête et j’aimerais tellement tout faire. Mais j’apprends à me détendre et à vivre au rythme de mon corps et des limites que lui impose la douleur.

Propos recueillis par Rachel Gamper, avec Claire Bernole

Après la photo…

Nick Ut, le photographe qui obtiendra l’année suivante le Prix Pulitzer pour ce cliché, emmène immédiatement Kim Phuc, inconsciente, aux urgences. Contre toute attente, après quatorze mois d’hospitalisation et dix-sept opérations, la jeune fille rentre chez elle. Lorsqu’à 19 ans Kim Phuc entame des études de médecine, le régime découvre que son histoire peut servir de propagande anti-occidentale, l’obligeant à s’absenter des cours. Elle réussit finalement à se faire envoyer à l’université de la Havane. Là elle rencontre son futur mari. Ils partent en Russie pour leur voyage de noces… et en profitent pour faire défection vers le Canada. Il leur naît deux fils, et depuis deux ans, un petit-fils.

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