L’Église, terreau spirituel des abus?

Uriel a choisi d’aller à l’Eglise pour mieux connaître Dieu en même temps qu’elle traversait une période où ses traumatismes passés d’abus sexuels lui revenaient en mémoire. Fragilisée, c’est aussi à ce moment qu’elle a rencontré une femme qui a été pour elle – dans un premier temps – un soutien spirituel et psychologique: «C’était une personne que j’admirais beaucoup dans toute sa vie et je me comparais à elle spirituellement», confie-t-elle. «C’est la première personne à qui j’ai dit avoir été victime de viol. Au début, j’ai reçu de la compréhension, mais ensuite beaucoup de jugement.»
Uriel a vécu une dépendance affective: dans cette relation, elle sentait une forme de consolation sans se rendre compte de la manipulation. «Elle était devenue l’intermédiaire entre Dieu et moi.» En effet, Uriel se confie entièrement à cette personne, qui la fait se sentir «spéciale» avant de la «casser». «Comme elle était bien vue, je ne la remettais pas en question. Elle pouvait m’appeler et me dire des choses négatives, ce qui me plombait le moral, mais ensuite elle essayait de me rassurer.» Et cette «amie» a aussi alimenté de la haine envers sa famille. «Elle m’a aussi dit qu’elle savait qui serait mon futur mari, mais que je ne serai pas une bonne femme.» Uriel a plongé dans la dépression et les pensées suicidaires.
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Oser se dé-greffer
Elle finit par prendre de la distance avec cette femme au moment où celle-ci cherche à diviser plus largement les membres de l’Eglise. Uriel se souvient alors que la Bible ne prône pas la condamnation mais l’amour de l’autre, même de ses ennemis. Cette distance lui permet de créer de nouvelles relations et de se rapprocher à nouveau de sa famille. Elle se fonde sur la Bible pour confronter les mauvaises paroles reçues: «J’ai entendu Dieu me dire: “Quels fruits cette personne a-t-elle laissés dans ta vie?” Je devais me séparer d’elle. Couper les ponts, on a l’impression que ce n’est pas de l’amour, mais Dieu m’a expliqué le passage sur l’arbre qui porte de bons fruits ou de mauvais fruits (Luc 6, 43). J’ai reconnu que je l’avais mise à la place de Dieu», explique-t-elle.
Uriel a fini par quitter son Eglise. «La guérison pour refaire confiance à une autorité spirituelle a été très longue. Je continuais à me battre avec les paroles qui avaient été semées sur mon futur. A présent, j’arrive à les chasser.» C’est aussi en étant accompagnée de responsables chrétiens sains qu’elle guérit peu à peu. La jeune femme nous laisse avec de précieux conseils: écouter ses signaux d’alerte intérieurs, s’ouvrir à d’autres personnes, ne pas rester enfermée dans une seule relation ou un seul groupe. «Ensuite, il s’agit de confronter les paroles reçues avec ce que dit la Bible et de couper la relation toxique. Il ne faut pas chercher à s’expliquer, au risque de retomber dans la manipulation.» Puis, avec l’aide de Dieu, trouver un nouvel espace, sain.